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L’écriture inclusive en agriculture : un enjeu de représentation et d’égalité

par | Sorti de terre le 7/03/2025 | Rédaction | 0 commentaires

L’écriture inclusive n’est pas qu’une question de point médian. C’est un ensemble de pratiques linguistiques qui visent à assurer une égalité de représentation entre les hommes et les femmes. Travaillant depuis plus de vingt ans dans la communication et la rédaction, et spécialisée dans le domaine agricole, je suis convaincue que cette question mérite toute notre attention. Pourquoi ? Parce que les mots façonnent nos représentations. En agriculture, comme ailleurs.

Qu’est ce que l’écriture inclusive ?

L’écriture inclusive se définit comme un « ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes ». Elle regroupe plusieurs stratégies pour assurer une représentation équilibrée des genres dans le langage. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle ne se résume pas au point médian.

Voici les quatre façons de la mettre en œuvre :

Les mots épicènes, qui restent identiques au masculin et au féminin (ex. : les jeunes, les collègues, les responsables, l’équipe, quiconque ou lieu de « celui qui »).

La reformulation neutre, qui évite le masculin générique

    • « les administrateurs », écrire « le conseil d’administration ».
    • « les associés du Gaec », écrire « les membres du Gaec »

La double flexion, qui nomme explicitement les deux genres (ex. : « les agriculteurs et les agricultrices » ou bien « celles et ceux »).

Le point médian, utilisé pour inclure les formes féminines à la fin des mots (ex. agriculteur·trice »). C’est finalement une forme que j’utilise peu, sauf pour des mots courts comme « les élu·e·s »

Pourquoi est-ce important en agriculture ?

1 – Une question de réprésentation mentale

L’une des raisons fondamentales pour lesquelles l’écriture inclusive est essentielle tient à nos représentations mentales. Lorsque l’on emploie un masculin générique, notre cerveau a tendance à imaginer spontanément des hommes.

Si je vous demande de me citer deux agriculteurs célèbres, soyez honnête, vous penserez d’abord à des hommes. Ce biais cognitif, largement documenté par des études, joue un rôle fondamental dans la perception des métiers, des opportunités professionnelles, de l’image que l’on se fait d’une entreprise… Cela induit des biais inconscients.

Citez moi deux agriculteurs célèbres, soyez honnête, vous penserez d’abord à des hommes !

Céline Bernardin

2 –Une responsabilité collective des entreprises agricoles

Les institutions publiques ont déjà amorcé ce travail de féminisation des titres et des fonctions, notamment avec la circulaire du 21 novembre 2017 qui vise à combattre les stéréotypes freinant l’égalité. Mais dans le monde de l’entreprise, et notamment en agriculture, cette transition est plus lente. Pourtant, les jeunes générations sont particulièrement sensibles aux questions de langage. Adopter une communication plus inclusive, que ce soit dans les offres d’emploi, les campagnes publicitaires ou les communications internes, peut avoir un impact direct sur l’attractivité du secteur.

Ne pas prêter attention au langage peut être un frein, que ce soit pour recruter ou pour fidéliser de nouveaux publics. Selon moi, une entreprise peut être irréprochable dans ses pratiques d’égalité, mais si son langage ne reflète pas ces valeurs, elle risque de perdre des opportunités, voire pire, nuire à son image.

Appliquer l’écriture inclusive : une démarche accessible

Beaucoup perçoivent l’écriture inclusive comme une contrainte, voire une surcharge cognitive. Mais il ne s’agit pas de viser une perfection absolue. L’important est d’adopter progressivement de nouveaux réflexes. Lorsqu’on rédige un article, qu’on imagine une campagne publicitaire, il suffit de prendre un moment pour relire et identifier les expressions genrées que l’on pourrait reformuler.

De mon point de vue, il faut faire particulièrement attention aux titres d’articles, aux slogans, au nom d’une marque, à votre baseline, car ce sont les éléments les plus visibles.

Par exemple, imaginons que vous écrivez un article sur l’installation. Au lieu de formuler « Les agriculteurs peinent à s’installer », on pourrait écrire : « Agriculture : les jeunes peinent à s’installer » sans que cette modification ne nuise à la compréhension.

Vous écrivez une annonce dans le cadre de la transmission de votre ferme. Au lieu de « Recherche repreneur pour ma ferme », vous pouvez écrire « Ferme à reprendre » ou encore mieux « Recherche un repreneur ou une repreneuse pour ma ferme »

Vous écrivez une annonce dans le cadre de la transmission de votre ferme. Au lieu de « Recherche repreneur pour ma ferme », vous pouvez écrire

« Ferme à reprendre »

« Recherche un repreneur ou une repreneuse pour ma ferme »

« Vous cherchez une ferme à reprendre ? »

En fait, il existe plein de possibilités !

Céline Bernardin

Le Français est une langue vivante en constante évolution

L’idée selon laquelle la langue française ne peut évoluer est erronée. Historiquement, le français a été plus inclusif qu’il ne l’est aujourd’hui. Jusqu’au XVIIᵉ siècle, on disait « une autrice », « une doctoresse », « une avocate ». Ce sont les grammairiens masculins de l’époque qui ont progressivement imposé la règle du masculin générique. Adopter une écriture plus inclusive, c’est simplement revenir à une langue qui reflète mieux la diversité de celles et ceux qui la parlent et la font vivre.

Ma conclusion : faire mieux plutôt que viser la perfection

L’écriture inclusive ne doit pas être perçue comme un exercice rigide ou dogmatique, mais comme une opportunité de rendre nos communications plus justes et représentatives. Il ne s’agit pas de tout revoir du jour au lendemain, mais de commencer à y penser, à faire évoluer notre langage.

Dans mon métier, j’essaie d’adopter cette approche au quotidien. Ce n’est pas forcément une demande explicite de mes clients et clientes, mais c’est un réflexe que j’ai acquis avec le temps. Souvent, ils ne remarquent même pas que mes textes sont écrits de manière inclusive, et c’est, à mon sens, une preuve que cela peut se faire de manière fluide et naturelle, sans altérer la compréhension ni la lisibilité.

Être attentif à sa manière d’écrire, se remettre en question, c’est déjà un pas vers une communication plus inclusive. C’est aussi très stimulant pour la créativité !

Enfin l’écriture inclusive doit aussi être pensée de concert avec la communication visuelle. Pensez à diversifier les représentations des femmes et des hommes.

Sources :

https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egacom_sans_stereotypes-2022-versionpublique-min-2.pdf

Ouvrage « L’écriture inclusive, et si on s’y mettait ? » Haddad Raphaël – Le temps de parole – Le Robert (2023)

Qui suis-Je ?

Céline Bernardin

Céline Bernardin

Rédaction et conseil en communication auprès des acteurs·rices de l’agriculture, de l’alimentation, de l’environnement et du territoire.